mardi 10 novembre 2020

La poésie

La poésie chez moi c’est l’expression nature, en mots géants inventés sans effort. C’est la crise de mots, celle qui me réveille avant le café du matin, quand dehors tout est gris, et le soleil des mots me suscite avant l’autre.

Les mots écrits, qui du dedans s’écrivent et qu’aussitôt je dois poser sur le papier. Les mots n’attendent pas, ils s’allument les uns aux autres par sens sonorité et sororité sang. Ils accourent tout seuls, ils naissent bousculés, génération vitesse, et mis sur le papier, ils s’harmonisent assonancés comme un essaim d’abeilles, trouvant spontanément leur voisin de cellule, ma main photocopie le puzzle de ma tête.

L’idée n’est pas idée, elle est inscrite dans, elle surgit au passage du mot, en méthode anarchique, du mot entendu, prononcé ou seulement vécu. Les mots se vivent en sens, en sang et retiennent longtemps leur flot révoltateur.

Est-ce pour dire en corps ce qui brise le cœur ? le désespoir se joue sans solfège sur des instruments libres. Tous les manques écrits chantent au lieu d’agir.

Empêchement d’agir. Barrage. L’eau retenue longtemps déborde, crée des courants sauvages, le mal devient utile, les usines hydro-néologiques alimentent la machine à respirer, la mienne. Car créer pour certains, c’est tangible et facile, pour moi c’est me créer, c’est renaître et devenir enfin celle que je me suis toujours senti être. Les jeux de mots apparents ne cachent pas la vérité, ils sont de chair et d’os et de souffrance pure.

J’aime les mots, je les adore, sans les dire, ils me sont nécessaires car je ne parle qu’au papier.

Les cris et la couleur tripaillent allègrement dans les livres de femmes qui parlent sensations, odeurs, touchers, douceurs.

J’aime aussi livres d’hommes mais taillés à la hachure près, pleins de finesse dans leur crudité.

Les poèmes masclés sont des épopées rouges, les poèmes femelles des histoires d’amour.

Un poème n’est pas fait de mots qui riment platement comme rime théière avecques cafetière. C’est l’utilisation impromptue du mot, la pensée qui est magique, la façon de ne pas percevoir le monde.

Les feuilles d’automne sont rouges, mais que vous fait à vous la feuille rouge sans le silence de l’oiseau ?

D’abord l’odeur du mot, une odeur de café qu’on voit sur un écran avec l’irrépressible envie d’en boire, la soif parfum du mot.

La poésie se démarque de tous les dictionnaires, elle est pouvoir intime.

Ma poésie est motionnaire, émotionnaire, virevoltante, engoulevante, carapaceuse, araignère, pregnante, enceinte, tordue et chiffonnée, intestine et saignante, fine douce et méchante, tortionnaire.

Marine 1992

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