mardi 10 novembre 2020

La chanson d’un cloporte de Jaime

De solitudes nées
En graines taciturnes
Un jour d’averse drue que la peur féconda
Naquirent mes forêts ...
Et tout y voulut vivre,
Et ma raison tremblant
Et le cœur qui s’enivre
Et mes démons brûlants
Sous des buissons de givre ...
 
Tant que l’ harmattan fou soufflait à l’aveuglette
J’allais de cible en sable, de mouche en chou blanc
Récoltais l’air du doute au pied de girouettes
Que la crainte la soif la géhenne et le vent
Avaient mis sur ma route.
Naïvement porté par des pensées qui flottent,
La crinière élancée, des credo plein la hotte
J'ai vendu tous mes vœux pour de piètres sacoches
Et posé l’œil jaloux sur des bonheurs de poche
 
Mais à l’envers du vent de mes tribulations
Se dandinait une âme,
et ma désolation...
Triste cape d’ennui,  houppelande fantoche
Accrochée à ma course et collée à ma torche.
 
Ne cachant plus son ombre au dessous des ciels prompts
Chaque borne franchie m’approchait du mirage
Et  l’horrifiant terreau qui boit à la pénombre
Où s’enfouit docile la chanson d’un cloporte...
S’ouvrit dessous mes pas:
 
Le désert du Réel.
 
Mon heur y fit sa  route...
 
Or,  toujours je vacille, par berge,  par plain
A suivre des fantômes comme l’ombre, le doute...
M’arrêtant quelquefois pour souffler en chemin
Sur un escarpement, au bord du vide immense.
j'y gobe ma nausée, remballe mon vertige
Et croyant en mes ailes, je m'élance, -ô voltige -,
me prenant pour Icare ...  mais je fonds pour de bon.
 
Car,  l’à-pic du Réel…
Sublime!
Mais prévois ...
La toute petite échelle
Ça te secoue le moi
 
 Bien heureux les élus ...  que la science n’ arrête
Les caboches gavées d'insanes équations
Et qui l’ont digérée  - la formule secrète -
D’un Réel fait de touts petits soldats de plomb.
Ces porteurs de flambeaux,  j’en ai fait mes prophètes,
Les ai même suivis au travers du cristal
Mais les maths ont dit  non, j’étais pas de la fête.
Je n’ai pu me nourrir que d’images mentales,
N’effleurer qu’en idée le tumulte quantique
m’abreuver de la lie,  or la goutte fut magique.
 
Car j’y ai découvert la plus curieuse vase.
Un sous monde impalpable où l’étrange fait loi
Un théâtre où se joue tout l’instant qui s’écrase
Où les chats sont vivants ... Et bien morts à la fois
Les probables s’y frôlent à l’affût d’un présent.
C’est l’étage en dessous de la réalité,
Un pays d’illusion où chaque paysan
Croque à pleine bouche dans l’ immonde vacuité...
 
Moi, depuis
Je n’ai bu
Qu’à l’orée de ce vide.
M’y suis enraciné comme à lourde obsession.
Puis au fil des vents gourds se sont tissées mes rides
Et s’est pointé le temps de la résignation
 
Mais un parfum de  nuit persiste au paysage
Et l’eau  de l’illusion y pleut à gorge fendre.
 
J’entends un râle creux monter des profondeurs
C’est le Néant...
Son fleuve,
Qui méandre dans l’heur
 
Il roule des mécaniques
Agite par millions tous ses petits reflets
Comme des bouches bées affamées  d’ âme tendre.
D’un vacarme muet
Il prononce à mes chairs
Des noirceurs d’outre tombe avant le grand éclair
Et cependant
Qu’ Ici, …
La rumeur s’amplifie
Aux pavés encore bleus luisent des nostalgies.
Des lampadaires tristes  courbés par leur halo
En rang tels des soldats que l’aurore désentoile
S’engouffrent dans le noir de parterres frileux.
D'un ciel trop fatigué  s’éteignent les étoiles.
 
Ma porte est en bois dur et tait son intérieur,
Ses maux , ses écritures , ses silences, ses leurres
Les sangs qu’elles recèlent se demandent comment
Prolonger cette farce au bout du firmament!
Et  je sais qu’à l’instant pourraient bien s’affronter
Deux terribles titans dont  je suis le geôlier:
 
L’Emotion  ma complice
Cette soif d’artifice
Sans nulle autre raison que de poursuivre au nez
L’étrangeté du vent
 
Et mon âme ... O grand trou
Ou ma berlue du vide
Ce gros fleuve riant dont se gave l’instant:
Le Néant.
 
De l’air du ventriloque au grand épouvantail
Une larme se glisse ...  Et pleure le sérail.
 
Combat sera livré.
 
D’un côté,
Larmes bues,
L’Emotion galopante!
La reine du troupeau... Mon cheval de bataille
Je n’entends que son cri,  je ne vois que son flou,
Son mirage beuglant comme la horde aveugle
 
De l’autre c’est l’Esprit
L’Esprit c’est l’âme aussi
Sous une brume épaisse en un fracas de fous
Le Néant y est en crue.
Néant que rien ne chasse
Ni même la pensée qui me trotte au larmier
Sifflotant à mon âme l’ode des condamnés
 
Pourtant, d’ ivres détours que je sais dérobés
Dissimulent des ciels à qui n’oserait y croire
Sous la paupière close est sa propre lumière
Un petit coin d’azur
Pour son coin d’éphémère.
 
Mais même ces sentiers fleurent le canular
Le temps est une flèche et son vent nous ensable
Bientôt la vie s’étiole , sa lueur se lézarde
Et l’étrange revient en arborant ses masques
Ses symboles
Ses voix
Ses dieux ...
Ses ersatz
 
Lors moi je me dessine tous ces horizons flous
Comme des poupées russes
fermées autour de nous.
Un vieux vent démiurge et ses géométries
Autant de partitions
Autant de théories
 
De ma prison de givre arpentant ces  vieux champs,
Je pleure et je souris,
Je n’en veux pas au vent
Mais quelque chose éclôt quand ces deux là se touchent
Quand  l’émotion caresse l’antre noir du Néant ?
Quelque chose du secret de la pierre de touche
Comme un parfum de vide sans pourquoi ni comment
 
Ni même ce terreau qui boit à la pénombre
Où s’enfouit docile
La chanson d’un cloporte...
 
Poème posté le 10/06/17

1 commentaire:

  1. vraiment magnifique Jaime est un canadien qui a disparu de mon horizon hélas mais est toujours dans mes contacts plus je lis ce poème, plus je comprends l'artiste, celui qui a peint la petite fille derrière moi et que j'ai sortie du placard . Jaime réponds-moi, ou réponds à Aubépin qui est un homme droit, car tu sais Bob n'est plus
    et je suis confinée .

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