l'intaille

 

                                 L’intaille. (extrait)

21/12/89

 

Marine, 

 

Si vous êtes si vulnérable, si réceptive, parfois si désespérée, tellement blessable et blessée au coin des souvenirs, si tragiquement affective, du moins votre poésie…

N’ai-je donc pas raison lorsque j’affirme que l’on crée faute de mieux ?

Travailler pour une œuvre devenue seule essentielle, c’est aller très au fond de soi et paradoxalement s’oublier, s’exorciser, se purifier de ce qui nous hante.

Créer c’est donc rendre positif tout ce qui lentement nous use…

Il faut apprendre à rompre avec tout ce qui nous a blessé, avec toutes nos peurs et même avec le désir maladif d’être aimé…

Ecrivez.

  …………………………………………………………………………………….                 

 

« Je dis qu’il vous arrive, vous la très spontanée que j’aime, vous la très aimante- affective, de vous couper dans vos lettres.

Vous  écrivez : « ce que vous aimez, ce sont mes écrits, ce n’est pas la femme vieillissante. Illusion, Loïse, dérive…Vos écrits sont une chose. Vous n’êtes pas maîtresse de ce que je ressens, de ma vie dite intérieure.

…………………………………………………………………………………………………

La médecine a raison mais elle ne comprend pas grand-chose, elle ne sait à peu près rien ; on apprend à se guérir soi-même et quelquefois on peut aider. En réponse à la lettre rose, Héloïse, s’il advenait, je ne vous laisserais pas dépérir dans les hôpitaux. Je serais près de vous et Ailleurs. Nous parlerions ou ne dirions rien. Je vous tiendrais dans mes bras et vous oublieriez la souffrance. Je ne dis pas ce que l’on veut entendre, je ne récite pas le poème « Mensonge ». Je suis là s’il faut que j’y sois. Je ne vous veux ni déprimée ni malheureuse, je ne veux pas que l’on dise que je suis gentil, je peux être très dur avec l’insuffisance.

Le homard se tient bien.

Il n’est pas du tout facile.

Il peut être très ferme et très tendre.

Lui aussi voyage par grand fond.

Ce n’est pas un Samaritain.

Il ne s’apitoie pas.

Mais il est Là, et s’il veut et l’on veut

Il reste !

Tendresse

Alik. »

Lettre du 12 et 14 janvier 90