Correspondance 89
21/12/89
Marine
Si vous êtes si vulnérable, si
réceptive, parfois si désespérée, tellement blessable et blessée au coin des
souvenirs, si tragiquement affective, du moins votre poésie, et pour cela, en
est-elle plus communicatrice et intense.
N’ai-je donc pas raison lorsque
j’affirme que l’on crée faute de mieux ?
Travailler pour une œuvre,
cependant, devenue seule-Essentielle, c’est aller très au fond de soi, et
paradoxalement s’oublier : c’est plus ou moins consciemment devenir plus
fort. C’est s’exorciser, se purifier de ce qui nous hante, nous blesse et nous
détruit.
Créer c’est donc rendre positif
tout ce qui lentement, banalement nous use.
Vous avez du génie, Marine. Rien,
absolument rien d’autre, n’a d’importance. La désaffection, les souvenirs
tragiques, ni même la mort physique.
Le flot des souffrances, passées,
présentes, doit devenir la Vraie Douleur, pure, claire, positive, unique, qui
fait que l’on n’écrit plus faute de mieux, mais que l’on s’exprime superbement
et faute de pire.
Vous pensez que je fais de la
littérature, que je parle de tout cela bien à mon aise, qu’après tout je ne
vous connais pas, j’ignore votre parcours, vous qui ne me connaissez pas
davantage et qui ignorerez toujours mon propre chemin. Moi je vous dis qu’il
n’existe jamais, si violentes soient-elles, que des peines toujours ordinaires.
Il faut apprendre à se résolument
construire, sans chimères, sans nulle illusion, sans vaines souffrances,
s’abandonner, se déposséder de soi, s’oublier absolument dans une création, la
faire sa seule raison de vivre, une projection totale de soi-même, et par elle
s’épuiser de tout.
C’est bien plus qu’une pauvre
thérapie de psy. C’est là un dépouillement positif, une mise à nu, une mise à
mort, une sorte d’abandon profane.
Comprendre que son être n’est
rien ; que son œuvre devient son essence, sa naissance, est un pas vers
l’Initiation qui signifie Commencement.
Renverser les douleurs négatives
en ardeur positive, c’est aussi et encore la symbolique du Miroir, l’image de
toute Renaissance.
Il faut apprendre à rompre avec
tout ce qui nous blesse, nous a blessé, avec toutes nos peurs et même le désir
maladif d’être simplement aimé. Car rien de tout cela jamais ne nous rassure .
Il faut être autre chose que ce que les autres et les circonstances, quels
qu’ils furent, ont pu nous faire. Et je vous jure que cela s’apprend. Et puis
se vit. Ce ne sont pas là que des mots vulgaires. Tant pis si je vous semble
parler par énigmes…pour le moment.
Ecrivez, vous êtes
splendide !
Lettre authentique anonyme.
alain
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